Amsterdam: November 14th, 1990

En sortant, au printemps 88, le troisième album de Prefab Sprout, leur leader chanteur-auteur-compositeur Paddy McAloon avait annoncé la couleur: pas de tournée, pas de scène. On savait notre homme allergique à la scène quand, le jour de leur dernier concert londonien, en novembre 85, il nous avait dit:
‘Sur scène, j’ai l’impression de perdre mon temps. Je déteste ça parce que c’est tous les soirs la même chose. Je comprends que cela plaise au public mais moi, pendant ce temps-là, je peux pas écrire de nouvelles chansons. Mon métier est d’en écrire et je n’aime pas les modifier sur scène parce qu’elles sont bonnes comme ça. Si je donne des concerts, c’est uniquement pour le plaisir du public…’

“On pourrait prendre ces déclarations pour prétentieuses si on ne connaissait pas Paddy, un charmant garçon, adorable et plein d’humour. Ceux qui furent à son premier concert belge à Lier et à Deinze en 84 (avec Front 242, Psychedelic Furs et Sisters of Mercy à la même affiche!) comprendront mieux une telle réaction. Prefab Sprout a failli se faire lyncher:

“C’était dégoûtant. En montant sur scène, pour calmer le public, j’ai dit que Wendy fêtait son vingt et unième anniversaire, mais ça ne les a pas empêchés de lui envoyer des canettes à la figure. J’ai été révolté par le public belge. On a été traités comme des animaux par des animaux.

“Cette affaire, due surtout à une grave erreur de programmation, est aujourd’hui classée et le dernier concert belge de Prefab à Hof Ter Lo en 85 s’est déroulé dans le plus grand calme.

“Il aura néanmoins fallu attendre cinq ans et la parution de trois albums pour que Paddy remonte sur scène. Sans doute poussé par les autres membres du groupe (eux, Paddy l’avoue, adorent jouer) qui ont sur lui une influence primordiale puisque le bassiste n’est autre que son frère Martin et la choriste Wendy sa petite amie de longue date. Tandis que le batteur Neil Conti, choisi par Bowie pour le rejoindre au «Live Aid» et sur le duo avec Jagger «Dancing in the Street», menaçait de suivre le chant d’autres sirènes.

“Voici donc Prefab Sprout en tournée européenne avec un guitariste et un clavier supplémentaires. Le Paradiso d’Amsterdam est complet et dès le départ on peut constater que Paddy semble avoir apprivoisé la scène. Qu’il s’y sent mieux, qu’il bouge mieux et qu’il s’implique à fond dans l’interprétation de ses chansons. Celle-ci est toujours aussi fidèle aux enregistrements. Les deux «guests» de la tournée réussissant néanmoins à placer quelques variantes qui apportent un plus à la musique de Prefab.
Car il faut l’avouer: cette musique peut très bien s’écouter les yeux fermés (et aurait donc mieux trouvé sa place au Cirque royal – occupé ce soir-là par les Nits – qu’au «sans fauteuil» Vooruit de Gand). Les dias et films du décor sont sans grand intérêt et n’apportent pas grand-chose à l’ensemble. La musique suffit à elle-même et, comme dirait Jean-Jacques Goldman, les chansons sont plus importantes que ceux qui les chantent.

“Paddy passe en revue l’ensemble de son répertoire, sans même oublier son favori Cruel extrait de «Swoon». Les perles de «Steve McQueen» sont évidemment de la partie alors que la diversité de «Jordan: The Come-back» sert un concert passant des ballades aux morceaux plus nerveux. Seul regret: Jesse James Bolero n’est joué par la sono qu’une fois le groupe ayant quitté la scène.

“Restent de superbes chansons dont on ne pourra jamais se lasser. Davantage faites pour une installation hifi mais peut-être qu’en suivant l’exemple des Nits, elles trouveraient une seconde vie…”

THIERRY COLJON, Le Soir

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